Les partenaires financiers sont au coeur du modèle commercial de l’ACA. Sans ces alliés importants, que ce soit réassureurs, Institutions Financières de Développement (IFD) ou banques, nous ne serions pas en mesure de soutenir les gouvernements africains au même titre – en aidant à obtenir des prêts préférentiels se traduisant en une transparence accrue, et ouvrant la voie à une meilleure gouvernance et à des projets qui répondent aux normes internationales et aux objectifs de développement des gouvernements. Cette section met en lumière certains de ces héros silencieux qui jouent un rôle essentiel auprès des gouvernements africains en les aidant à sortir de l’assistanat.

Maria Shaw-Barragan
Dans ce numéro, nous présentons l’un des partenaires clés de l’ACA, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), dans une interview avec Maria Shaw-Barragan, Directrice du département Global Partners au sein de la Direction des Opérations.
Q: En tant qu’organe de prêt de l’Union Européenne et première banque publique internationale au monde, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) s’est engagée à soutenir les investissements à fort impact en Afrique. Qu’entendez-vous par “investissement à fort impact” et quelle approche la BEI adopte-t-elle pour garantir ce résultat?
La position de la BEI, en tant que banque de l’Union Européenne, est de piloter des financements qui résolvent des défis majeurs en Europe et dans le monde.
Cela va du changement climatique et de ses conséquences sur l’environnement au développement urbain et aux impacts socio-économiques y afférents : fut-il création d’emplois, de villes durables ou de services sociaux tels que la santé et l’éducation. Cela est d’autant plus important lorsque nous intervenons en Afrique.
Pour nous, les investissements à fort impact sont ceux qui sont des “facilitateurs” pour d’autres investissements ou qui agissent comme des accélérateurs pour la poursuite de la croissance économique. Nous apportons notre soutien technique et financier pour pallier les lacunes en matière d’investissement dans divers domaines, tels que:
- les infrastructures destinées à faciliter l’accès de tous aux services essentiels comme l’eau potable et l’assainissement, l’énergie, la mobilité, les télécommunications ou la numérisation, mais aussi la santé et l’éducation;
- l’accès au financement pour le secteur privé, pour permettre aux entreprises de toutes tailles, des micro-entreprises aux grandes entreprises, de se développer et de créer des emplois, et
- une importance particulière accordée au financement de la lutte contre le changement climatique, de la production, du transport et de
la distribution d’énergie propre à l’adaptation au changement climatique et à la protection de l’environnement et de la biodiversité.
Ce sont les secteurs pour lesquels la BEI a fourni des financements importants sur tout le continent depuis des décennies, en visant toujours une croissance inclusive et durable. La BEI fonde son approche sur le travail avec ses partenaires africains, l’appropriation par les pays et la collaboration pour renforcer les capacités locales, tout en mettant en exergue les meilleures normes environnementales et sociales. Nous sommes réputés pour procéder à un contrôle préalable très approfondi des projets que nous finançons afin de nous assurer qu’ils sont durables à tous points de vue, socialement, environnementalement, économiquement et fiscalement.
En fin de compte, il ne s’agit pas seulement du projet lui-même, mais aussi de la manière dont il profitera à la communauté, à l’emploi, à la capacité de liaison avec d’autres investissements et à l’impact global. C’est pourquoi nous accordons une attention particulière aux questions d’égalité de sexes, à la protection des populations vulnérables et, bien entendu, à l’effet global sur le climat et l’environnement et à la résilience du projet dans le temps. Quelle que soit la nature du projet évalué par la BEI, nous veillons toujours à ce que ces angles soient évalués de manière approfondie et nous nous fixons des indicateurs d’impact que nous suivons de près au fil du temps.
Enfin et surtout, la BEI est fermement convaincue que le secteur privé est la principale clé pour révéler le potentiel de l’Afrique. Que nous aidions à soutenir une micro-entreprise dans une zone rurale du Burkina Faso ou un grand opérateur de télécommunications au Kenya, ils contribuent tous à la création d’emplois, à l’inclusion et, en fin de compte, à avoir le fort impact que nous recherchons.
Q: Quel a été l’impact de COVID-19 sur la mission globale de la Banque, en particulier sur ses objectifs en Afrique, et comment comptez-vous relever ces défis?
Cette pandémie est désastreuse pour les populations et les économies de tous nos pays partenaires en Afrique et ses conséquences ne sont ni pleinement prises en compte ni terminées.
Même si ce n’est pas la première fois que l’Afrique subsaharienne est confrontée à une crise sanitaire, la plus récente étant l’épidémie d’Ebola de 2014-2016 en Afrique de l’Ouest, cette fois, la crise est mondiale. La pandémie COVID-19 a le potentiel d’anéantir des années de progrès du développement socio-économique en Afrique. Elle pourrait également entraîner une grande instabilité sociale et politique, ébranlant les économies fragiles et accablant les systèmes de santé déficients. La BEI a très rapidement réagi et a décidé d’être en première ligne aux côtés de la Commission Européenne, via les Délégations de l’UE dans les différents pays, sous le label “Team Europe”. Nous avons pu mettre en place très tôt un ensemble de mesures consistant à:
- Primo, la BEI octroie au prime abord des prêts concessionnels aux pays qui, avec les subventions de l’Union Européenne, répondent aux besoins immédiats dans le secteur de la santé (en particulier une combinaison d’assistance technique et de besoins urgents en matière d’infrastructures et d’équipements ainsi que d’autres soutiens à moyen terme liés à l’augmentation de la résilience des systèmes de santé). La BEI s’est à cet effet jointe à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en mai 2020, et a établi un protocole d’accord pour la mise en place d’une plateforme de soins de santé primaires destinée à soutenir ces priorités et le personnel de santé employé dans certains pays prioritaires. La BEI et l’UE ont également mis 500 millions d’EUR à la disposition de COVAX-Gavi afin de réserver et de payer les vaccins COVID-19 pour la population africaine, étant donné que cette pandémie est mondiale et que la vaccination en Afrique également sera cruciale si l’on veut laisser COVID-19 derrière nous.
- Secundo, la BEI consent une autre série de prêts concessionnels aux pays, assortis de subventions de l’UE pour minimiser le risque de voir l’Afrique entrer dans une profonde récession économique. Ainsi, la BEI a élaboré un instrument spécifique (“COVID-19”) de soutien à la résilience économique, destiné aux souverains et aux banques promotionnelles publiques. Cet instrument permettra de financer des actions gouvernementales visant à soutenir l’économie réelle par l’intermédiaire de petites entreprises et chefs d’entreprise. Cet instrument est également éligible aux dépenses des bénéficiaires du secteur public dans les secteurs les plus touchés par la crise COVID-19. Et je suis très heureuse de constater que des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Sénégal, pour ne citer que ceux-là, ont fait appel à la Banque afin de bénéficier de ces instruments.
- Tertio, l’UE de concert avec la Banque mène une intervention politique consistant à renforcer l’accès au financement au moyen d’un financement relais ciblé pour les PME qui éprouvent des difficultés de trésorerie/liquidité, causées par exemple par une contraction de la demande ou de la productivité. Grâce à son expertise en matière de financement intermédié ciblé sur les PME et d’atténuation des risques et de financement basé sur les politiques, la BEI intervient avec un ensemble de financements comprenant des prêts en devise locale et déployant également des produits de partage des risques pour encourager les banques africaines locales à maintenir leurs prêts à l’économie réelle.
- La quatrième mesure vise à soutenir, directement et indirectement, les entreprises européennes ou leurs filiales qui souffrent de la crise liée au COVID-19 dans la région. Elle aura aussi pour cible d’autres entreprises clientes de la BEI et des entreprises des secteurs de la santé ou du numérique (ou encore d’autres secteurs pertinents) en Afrique qui voudront peut-être intensifier ou accélérer le déploiement de leur activité dans le contexte de la crise. Les conditions d’éligibilité pour cesprêts seront très souples et permettront d’inclure des fonds de roulement pour payer les salaires et les fournisseurs et maintenir le capital humain (employés formés, opérations commerciales), mais aussi des investissements urgents pour augmenter la production ou des investissements accrus dans des équipements liés à la santé ou au numérique. Nous sommes heureux de constater que des entreprises du secteur de la santé se créent en Afrique pour l’Afrique, et ce pour des diagnostics, des traitements ou d’autres produits et services liés à la santé.
Qu’il me soit également permis de souligner les mesures exceptionnelles que la BEI a prises afin d’accélérer le décaissement des fonds pour les instruments liés au COVID ainsi que pour le portefeuille d’opérations existant. C’est grâce à ces décaissements accélérés, mettant des liquidités à disposition, que nous pouvons faire une différence significative.
Comme vous pouvez le constater, la BEI apporte une réponse globale à la pandémie en Afrique, tout en maintenant bien sûr ses activités normales de financement hors COVID, car la nécessité de soutenir les projets d’infrastructure est plus pressante que jamais. Ces actions, nous ne les menons pas seuls: nous les coordonnons, sous la direction de la Commission Européenne et de concert avec d’autres institutions
et agences européennes de financement du développement, en tant que “Team Europe”.
Q: Comment, selon vous, l’Afrique se porte-t-elle et que doit-elle corriger pour mieux relancer son économie après le COVID?
Qu’il me soit tout d’abord permis de dire combien soulagée je suis de constater que les conséquences de la pandémie sur le continent, en termes de pertes en vies humaines, ne sont pas aussi dévastatrices que ce que l’on craignait au départ. La jeunesse de la population africaine est sans doute, un facteur et une source d’espoir pour la relance.
L’inquiétude porte plutôt sur les effets dévastateurs de la crise dans les économies africaines, qui peuvent entraîner une augmentation du chômage, des inégalités et de la pauvreté et menacer la paix et la stabilité.
Il est vrai que les pays partenaires en Afrique ont reconnu très tôt qu’une économie plus forte et plus résistante est l’un des facteurs les plus importants pour atténuer ces effets. Les divers mécanismes actuellement mis en place par les pays pour soutenir leur économie vont dans le sens de cette approche. A titre d’exemple, le rôle crucial du secteur privé en Afrique est de plus en plus mis en avant par les autorités. La BEI abonde dans le même sens et sait très bien à quel point l’Afrique regorge de jeunes entrepreneurs talentueux et en herbe. Tout ce dont ces brillants esprits ont besoin, c’est d’un petit coup de pouce pour les aider à réaliser de grandes choses; et c’est ce que nous faisons avec nos investissements et notre expertise mis à la disposition de diverses institutions de microfinance ou banques locales.
Le financement recherché par les pays s’inscrit donc dans une stratégie qui s’appuie davantage sur le secteur privé. Ainsi, le rôle crucial que joue aujourd’hui l’ACA en Afrique est une nette indication de cet état d’esprit. Ce qui importe, c’est que la relance économique soit rapide, inclusive et durable. Par inclusion, nous entendons que toutes les couches de la population bénéficient du progrès socio-économique, que nous réduisions les inégalités et que nous veillions à ce que tous, femmes et hommes, filles et garçons, jeunes et vieux, toutes les communautés de chaque pays, soient intégrés dans les opportunités et les bénéfices. Par “durable”, nous entendons une croissance qui repose sur des avantages également pour les générations à venir, qui est viable, résiliente et respectueuse de l’environnement, du climat mondial et des ressources rares.
Il est impératif de réaliser ces deux aspects car, ce faisant, nous construirons des sociétés et des économies plus résilientes et mieux équipées pour faire face à d’autres chocs, pandémies, catastrophes naturelles ou autres, quand/si elles surviennent.
Q: Pouvez-vous nous donner quelques détails quant au portefeuille actuel de la BEI en Afrique et à ce que vous espérez réaliser sur le continent au cours des cinq prochaines années?
Je voudrais réitérer le message qui a été transmis par le président de la BEI, Werner Hoyer, en 2020 à Dakar, lors de la Journée de l’Afrique de la BEI : “L’Afrique est l’une des principales priorités de l’Union Européenne et de la Banque Européenne d’Investissement” et notre portefeuille d’opérations montre à quel point nous attachons du prix à l’Afrique.
En 2019, la Banque Européenne d’Investissement a octroyé 3 Mlds d’euros de nouveaux financements pour soutenir jusqu’à 10,7 Mlds d’euros d’investissements transformationnels à travers l’Afrique. La BEI a soutenu directement 58 nouveaux projets d’investissement situés dans 22 pays africains et, en collaboration avec des partenaires financiers africains et internationaux. Dans la même veine, elle a financé des projets dans de nombreux autres pays du continent par le biais des programmes de financement régionaux. Toutefois, cela ne résume pas toute l’expertise technique, commerciale et bancaire fournie par les programmes de formation. La BEI entend augmenter substantiellement son engagement en Afrique subsaharienne et en Afrique du Nord, et allouer 4 Mlds d’euros pour soutenir les investissements publics et privés sur tout le continent en 2021.
Au titre de notre contribution, nous apporterons un soutien accru à la transformation numérique et aux infrastructures qui stimulent la croissance du secteur privé et permettent la création d’emplois par les chefs d’entreprise et les start-ups ou les grandes entreprises, toujours en phase avec nos objectifs en tant que partenaire stratégique du développement. Nous envisageons évidemment un financement important pour les investissements liés au climat et au développement durable, toujours en phase avec nos ambitions en tant que Banque du climat.
Notre action s’inscrira dans une approche européenne globale dans le cadre de Team Europe au cours des sept prochaines années. L’initiative Team Europe implique divers acteurs européens du développement durable, dont l’Union Européenne, les différents Etats membres et leurs agences bilatérales, et bien sûr la BEI qui y joue un rôle très important. Avec toutes ces parties prenantes, nous entendons concentrer nos efforts sur des thèmes jugés primordiaux et ayant un fort impact sur les pays partenaires. Par exemple, l’économie verte est l’un des thèmes clés et elle comprend de nombreux secteurs allant de l’accès au financement pour les agriculteurs aux énergies renouvelables, etc.
Q: La BEI a soutenu l’ACA sur plusieurs fronts, notamment en matière de renforcement des capacités, en l’aidant à accroître les capacités d’assurance et de réassurance dans la région, et en accordant des prêts à des conditions préférentielles aux potentiels pays membres, ce qui a permis à l’ACA d’élargir rapidement sa base d’adhérents. Pouvez-vous expliquer ce partenariat et nous dire en quoi l’ACA a été un partenaire intéressant pour la BEI en Afrique?
Je suis ravie de la relation entre la BEI et l’ACA. Elle a débuté il y a cinq ans et va de plus en plus loin, ce qui me rend très enthousiaste quant à l’avenir de ce partenariat.
La BEI est peut-être l’une des plus grandes institutions financières multilatérales du monde, mais nous avons toujours besoin de l’expertise de partenaires sur le terrain, de partenaires ayant une connaissance approfondie de l’environnement des affaires en Afrique et de partenaires qui sont au centre du paysage économique africain. L’ACA répond à ces critères et nous a prouvé qu’elle obtenait de bons résultats.
L’ACA est une assureur multilatéral, ayant à son actif 20 ans d’activités en Afrique, avec un solide parcours et une réputation internationale auprès des agences de notation, des agences internationales d’exportation et des partenaires de développement. Je pense donc que l’ACA est un partenaire idéal en Afrique et pour l’Afrique. Bien que notre partenariat avec l’ACA soit relativement récent, grâce à des prêts souverains accordés à des potentiels pays membres (comme le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Sénégal et le Togo), notre collaboration avec cette dernière a débuté avec la création de l’Africa Energy Guarantee Facility (AEGF) il y a quelques années. Je dois reconnaître que l’AEGF est un instrument révolutionnaire. Il s’agit d’une première garantie en nature pour soutenir un réassureur en Europe, dans la prestation de services d’assurance des risques politiques et (sous-)souverains pour le secteur énergétique de l’Afrique subsaharienne par l’intermédiaire de l’ACA, qui opère ici en tant qu’assureur principal.
Je suis très heureuse de voir que la BEI ait pu lancer ce produit avec l’ACA. Il est innovant et, dans une certaine mesure, plus complexe que les instruments les plus traditionnels. Il nécessite donc l’expertise et le savoirfaire d’une institution comme l’ACA pour sa mise en oeuvre optimale.
Voilà le type de collaboration que nous nous réjouissons de mettre en place et de renforcer à l’avenir. Les souverains et les entreprises en Afrique chercheront des instruments de plus en plus sophistiqués pour soutenir leurs opérations. Les financiers internationaux qui sont prêts et disposés à les accompagner dans cette entreprise, y compris la BEI, s’appuieront certainement sur des alliés comme l’ACA. Cette dernière soutient la croissance et l’emploi en Afrique, attire les investissements étrangers et soutient les capacités locales, c’est pourquoi travailler ensemble nous semble très judicieux.